Comment j’ai découvert que j’aimais avoir peur
Article publié le 30 octobre 2021 dans la newsletter Shin Cyberia
Mon premier film d’horreur ? Je m’en souviens comme si c’était hier. Qu’est-ce que c’était, à votre avis ? Pas un classique américain comme Scream ou Freddy, je ne regardais pas ça. Les soirées sang qui gicle entre adolescents n’ont jamais été mon truc. Quand j’étais petit, j’avais peur qu’un vampire ne m’attaque la nuit, alors vous imaginez… Non, pour me faire regarder un tel film, il fallait réussir à me convaincre. Me proposer autre chose qu’une litanie de couteaux plantés en gros plan. Pourquoi pas une histoire de fantôme japonais ?
Voilà comment j’ai fini par accepter de voir Ring d’Hideo Nakata, malgré mes réticences d’adolescent peureux. Vous allez peut-être être surpris, mais je ne l’ai vu ni chez moi, ni chez un ami, mais au lycée. Les internes dont je faisais partie avaient droit à un film le mercredi soir pour se distraire. Autant que je me souvienne, la programmation était assurée par mes camarades de l’option cinéma. Je ne sais pas précisément qui avait choisi ce film. Ce que je sais, c’est que ma rencontre avec Sadako a changé ma vie.
Certes, le film était en VF, mais je l’ai revu tellement de fois en VO que j’ai complètement oublié comment elle sonnait. Si j’ai eu peur ? Je ne me souviens plus, mais certainement moins que la fille qui a passé la moitié du temps à hurler ! Le plus important, c’est que j’ai compris que j’aimais l’angoisse, surtout quand la sauce monte petit à petit. Avec Ring, j’ai aussi découvert qu’on pouvait faire flipper sans verser une seule goutte de sang, ou presque. Et ce tout en racontant des histoires humaines, forcément tragiques mais souvent touchantes.
Adapté du roman Ring de Koji Suzuki et sorti le 31 janvier 1998 au Japon en compagnie de sa suite méconnue, The Spiral de Joji Iida, le film raconte l’histoire d’une cassette vidéo liée à plusieurs décès suspects d’adolescents. La rumeur dit qu’un fantôme vous rend visite sept jours après son visionnage. Reiko Asakawa, journaliste, enquête en compagnie de son ex-mari Ryuji et découvre l’histoire de Sadako Yamamura, fille de médium jetée vivante au fond d’un puits duquel elle ruminera des années durant sa haine de l’humanité avant de la fixer sur bande.
S’il est bien sûr un film d’horreur – même si je préfère parler d’épouvante -, Ring est tout autant un thriller technologique. La cassette maudite et ses artefacts, les photos aux visages altérés, l’enquête menée au banc de montage… Sans oublier bien sûr le climax du film, l’irruption de Sadako à travers une télévision. Quiconque passe sa vie entouré d’écrans et de gadgets divers (moi) ne peut qu’apprécier, même si les outils modernes sont mis au service de visions toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Pour tout vous dire, pendant quelques temps, j’ai regardé ma télévision d’un oeil méfiant au moment de me coucher…
Un malaise diffus qui ne m’a pourtant pas coupé l’envie de voir les autres films de la franchise : The Spiral, la vraie suite “oubliée”, Ring 2, qui part dans tous les sens, Ring 0, le préquel touchant centré sur Sadako… Avec entrain, j’ai sauté dans le puits sans fond de la J-horror et découvert la franchise Ju-on, Dark Water, Kaïro, Noroi, La Mort en ligne et j’en passe, mais aussi des films sud-coréens comme la saga Whispering Corridors, Deux soeurs, Phone, Bunshinsaba, White : The Melody of the Curse… Moi qui évitait les films d’horreur, j’étais devenu fan de cette épouvante qui glace le sang sans (trop) le faire couler. Et pour ça, je dis merci au film du mercredi soir.