Face à la catastrophe, un tunnel d’angoisse et d’indifférence

Face à la catastrophe, un tunnel d’angoisse et d’indifférence

Article publié le 28 octobre 2016 sur le blog Hello Navi

Aimez-vous les tunnels ? Pour ma part, je suis fan. Je ne conduis toujours pas, mais si je suis votre passager, amenez-moi sous la terre et je serais heureux. Sauf si je repense au film que j’ai vu hier soir 1 au Festival du film coréen à Paris, qui s’est ouvert mardi 2 au cinéma Publicis des Champs-Elysées. Sobrement intitulé Tunnel, le long-métrage de Kim Seong-hun (Hard Day), également proposé en séance d’ouverture, a de quoi vous faire réfléchir à deux fois avant de vous aventurer là où les ondes radio et la lumière du soleil ne pénètrent plus.

Un vendeur de voitures, Lee Jung-soo (Ha Jung-woo), roule sur une route de campagne quand il s’engage dans un tout nouveau tunnel. Après quelques dizaines de mètres, l’éclairage s’éteint brusquement, prélude à l’effondrement du moderne édifice, qui laisse le conducteur en vie mais bloqué sous les gravats. S’engage alors une course contre-la-montre pour sauver le malheureux, qui n’a avec lui que deux petites bouteilles d’eau et un gâteau à la crème, acheté pour l’anniversaire de sa fille.

Pendant deux heures qui passent comme une lettre à la poste, Tunnel passe de l’humour, parfaitement intégré à l’ensemble, à l’émotion, quand le prisonnier malgré lui échange au téléphone avec sa femme (Bae Doona), et à l’action, avec des scènes de destruction qui scotchent au siège. Au-delà du suspens autour du sauvetage, le film se fait également critique, et tout le monde en prend pour son grade : les journalistes, les promoteurs, les sauveteurs, la Première ministre… Alors que les opérations de secours s’éternisent, se pose aussi la question de la valeur d’une seule vie, au regard de l’effort déployé et du manque à gagner consécutif à l’arrêt des travaux sur un autre tunnel. Tous ces tons et toutes ces questions cohabitent sans accrocs et concourent à la réussite du film, qui a d’ailleurs attiré 7,1 millions de spectateurs en Corée du Sud depuis sa sortie, le 10 août dernier.

Lors d’une séance de questions-réponses, avant d’évoquer le tournage de Tunnel (de véritables rochers recouvraient le véhicule pris au piège), le réalisateur Kim Seong-hun a été interrogé sur l’influence de la tragédie du ferry Sewol sur son histoire. Le 16 avril 2014, un ferry transportant principalement des lycéens avait chaviré, faisant près de 300 victimes. De nombreuses critiques s’étaient abattues sur l’équipage du bateau, mais aussi sur les sauveteurs et même le gouvernement. Des voix s’élevaient pour critiquer une société où l’argent a plus d’importance que la sécurité et la vie humaine. Le réalisateur a d’abord précisé que le film était tiré d’un roman, écrit avant le naufrage. Cependant, a-t-il poursuivi, « le scénario a été écrit après cette catastrophe ». « Quand on veut faire un film catastrophe qui parle de la survie, a-t-il répondu, c’est difficile d’avoir une certaine distance par rapport à cette catastrophe, que ce soit intentionnel ou pas (…) pour les créateurs qui font le film mais aussi pour le public qui le réceptionne. » Après la dernière question, avant que le public ne rentre chez lui, Kim Seong-hun a terminé par ces mots : « Je suis très touché parce que je vois qu’il y a parmi vous des gens qui n’ont pas encore oublié la souffrance et la douleur de certains. »

  1. Le 27 octobre 2016. ↩︎
  2. Le 25 octobre 2016. ↩︎

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *